Les robes noires des avocats sous la neige, c'est la première image qu'il me reste. Ils avaient surgi tous en même temps, frou-frous virevoltants, nuée de corbeaux ou de pies que l'on vient d'effrayer.
Plus tard, au bout de longs couloirs, de maintes portes poussées, je les regardai effectuer devant la juge la danse d'un matin d'audience: petits pas claquetant sur le parquet, larges manches tombant sur les dossiers, plis impeccables au col et aux épaules, embouts de fourrure blanche tressautant derrière eux.
C'est le moment où chacun vient quémander le report de son affaire, guette du coin de l'oeil la partie adverse, lâche un bon mot que personne ne relève, s'énerve mollement contre le système tout en faisant danser sa robe.
Je jetai de temps à autre un regard à la neige derrière les fenêtres. Une autre danse, plus lente, plus belle, silencieuse et gracile se jouait au dehors.
La juge appela l'affaire suivante. Une avocate leva la tête et dit: "c'est annulé, l'enfant est mort". Le dossier fut posé sur le côté et le suivant fut appelé. Une voix derrière moi dit tout bas: "toi aussi tu as entendu? ". "Oui" avais-je envie de répondre à celle qui ne me parlait pas. Un ange était passé, on l'avait à peine senti. Il n'avait fait que nous frôler, tous, dans la salle, avant de partir voler avec la neige.
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